Les salariés de Salaisons Tallec ont débrayé le 25 janvier pour dénoncer des conditions de travail odieuses et des salaires de misère.
Annie Menvielle, ancienne secrétaire générale de l’Union locale, a interviewé Nadine Le Corre, déléguée et secrétaire du syndicat FO sur le site de Salaisons Tallec de Bannalec dans le Finistère Sud.
Nadine, aujourd’hui, 9h30, un tiers des salariés ont quitté leur poste de travail. Pourquoi?
Oui, nous sommes là pour montrer notre ras-le-bol face aux conditions de travail, au non-respect du personnel, aux salaires misérables qui ne nous permettent que de survivre.
Qu’est-ce qui a déclenché cette sortie ce matin de plus de 50 salariés ?
Mercredi dernier, une réunion a eu lieu. Nos revendications ont été mises de côté : salaires, conditions de travail, respect du personnel… Aujourd’hui, nous voulons une réelle augmentation des salaires, ainsi que la mise en place d’une prime d’assiduité sans attendre les NAO qui se déroulent en juin, ou même plus tard.
Ce sont les revendications que t’ont fait remonter les salariés sur les deux sites?
A ce jour, les deux sites embauchent quasiment plus d’intérimaires et de CDD que de CDI. Sur Moustoulgoat c’est incroyable, il n’y a plus qu’une dizaine de CDI. De plus en plus quittent l’entreprise, épuisement, ras-le-bol, salaire, matériel en panne, mauvaise ambiance… Les CDD et intérimaires refusent le CDI car le salaire ne convient pas. L’ambiance se dégrade très vite, agressivité des chefs de lignes… Beaucoup de CDI cherchent un autre emploi. Alors on est sortis comme en août 2017.
Que demandez-vous exactement ?
Nous voulons une augmentation décente des salaires, pas des miettes, la mise en place d’une prime d’assiduité, de meilleures conditions de travail dans les services autant physiques que morales. Tout cela permettrait de garder un personnel stable !
Nous voulons aussi un entretien des machines digne de ce nom, avec une formation pour la maintenance et non des entreprises privées qui sont débordées. Le personnel en CDI est à ce jour vieillissant et épuisé.
Y aurait-il une volonté de se débarrasser des CDI pour y préférer une main-d’œuvre plus précaire, donc moins chère, et aux ordres ?
Bien sûr, depuis 4 ans que le groupe AGRIAL a racheté l’entreprise TALLEC, encore plus qu’avant, la préoccupation première de la direction est de satisfaire les actionnaires !
Pourtant en 2021, les investissements vont être en hausse d’1 million 7 par rapport à 2020.
2020, où la baisse de volume n’est que de 9% par rapport à 2019, dans un contexte qu’on nous annonçait catastrophique.
Qu’espérez-vous du débrayage décidé aujourd’hui ?
D’abord beaucoup étaient décidés à sortir pendant une heure pour donner un avertissement, puis là, sur place, devant la grille, avec la banderole, beaucoup se sont dit, il faut continuer. Alors on va rester jusqu’à 13h30 plutôt que 10h30. On va organiser sur le tas une AG, on va faire un feu de palettes parce qu’il fait vraiment froid ce 25 janvier ! La proposition est adoptée à une large majorité.
Je pense qu’un préavis de grève pour jeudi matin risque d’arriver sur le bureau du directeur mercredi après-midi à moins qu’à la réunion, on décroche la lune ?
Tu as de l’espoir ?
Je pense qu’ils sont étonnés qu’on soit sortis à plus de 50 sur 200 salariés, mais moins d’une centaine de CDI, mais en même temps je n’ai aucune illusion sur leur “générosité” après avoir entendu à la radio ce matin que le plan de relance économique de Macron ne remettra absolument pas en cause la suppression de l’ISF pour ne pas effrayer les investisseurs.
Propos recueillis par Annie Menvielle