La fin de l’adage : « une démission ne se présume pas » ?
Désormais l’abandon de poste n’ouvre plus droit au bénéfice de l’assurance chômage. En effet, la Loi dite Marché du travail, du 21 décembre 2022 (Loi n°2022-1598 ; Cons. Const. n°2022-844), est venue introduire l’article L.1237-1-1 dans le Code du travail. Cet article bouleverse la logique antérieure en qualifiant l’abandon de poste de démission, sous certaines conditions.
Définition : il y a « abandon de poste » quand le salarié quitte son poste de travail ou ne se rend plus à son travail, sans justification de cette absence.
Ce que la loi prévoyait antérieurement :
La démission doit être claire et non équivoque (Cass. soc., 10 juill. 2002, n° 00-45.566 ; 21 octobre 2020 : n°19-10635). Ainsi, auparavant, un salarié qui abandonnait son poste de travail n’était pas considéré démissionnaire et l’employeur pouvait le licencier pour faute.
Par conséquent, cette rupture avait la forme d’un licenciement et ouvrait donc droit au bénéfice de l’assurance chômage pour le salarié.
Les problèmes que posaient le système antérieur :
- L’employeur pouvait tarder à licencier le salarié, voire mettre jusqu’à une année avant de le faire. Le salarié était donc privé de salaire et d’assurance chômage.
- Cela permettait à certains employeurs de se soustraire au droit du travail, en évitant de conclure une rupture conventionnelle individuelle ou de licencier le salarié.
Ce que la loi prévoit désormais :
En cas d’abandon de poste, le salarié est présumé démissionnaire.
Les étapes de la procédure :
- Le salarié quitte son poste de travail ou est absent, sans justification
- L’employeur pourra le mettre en demeure de justifier son absence et de reprendre le travail (par lettre recommandée ou lettre remise en main propre contre décharge)
- S’il ne retourne pas au travail dans le délai fixé par son employeur, le salarié sera présumé démissionnaire.
Le recours :
- Le salarié pourra contester la nature de la rupture devant le conseil de prud’hommes
- Celui-ci devra tenter de démontrer que son abandon de poste n’était pas volontaire et que son absence était justifiée.
Les principaux problèmes que pose la réforme :
· Il y a une atteinte au principe : « la présomption ne se présume pas ». · L’employeur peut toujours mettre du temps avant de mettre en demeure le salarié de reprendre le travail. · Un nouveau contentieux va inévitablement éclore, notamment, par les salariés qui estiment que l’abandon de poste résulte du comportement de l’employeur ou encore d’un motif médical. · Bien que la loi prévoie que les conseils de prud’hommes devront statuer en urgence (1 mois), s’ils sont saisis d’un recours concernant l’abandon de poste, on peut légitimement penser que le délai sera bien plus long. Aussi, le salarié pendant ce laps de temps n’aurait ni salaire / ni indemnité de l’assurance chômage. |
Un décret d’application devrait être promulgué très prochainement ; ce texte prévoira, notamment, certains délais.