L’EFFAT, syndicat européen de l’alimentation et du tourisme, a écrit un courrier signé par la FGTA-FO et adressé à M. le Président Macron et ses ministres du Tourisme et du Travail dans le cadre de la présidence tournante de l’Union Européenne.
Retrouvez le courrier :
Relancer et repenser le tourisme avec une vision plus durable et socialement responsable
“EFFAT est la Fédération européenne des syndicats des secteurs de l’alimentation, de l’agriculture, du tourisme et du travail domestique. Avec 120 syndicats nationaux affiliés dans 35 pays européens, EFFAT défend les intérêts de plus de 30 millions de travailleuses/eurs de nos secteurs auprès des institutions européennes, des associations patronales et des sociétés transnationales.
C’est avec beaucoup d’intérêt que nous avons pris connaissance des priorités de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne. En tant que Fédération syndicale européenne sectorielle représentant les travailleuses/eurs du secteur de l’hôtellerie-restauration, nous sommes particulièrement intéressés par vos idées et propositions d’actions concernant la relance du tourisme, l’un des secteurs les plus durement touchés par la pandémie de COVID-19, avec des millions d’emplois perdus ainsi qu’un grand nombre de travailleuses/eurs ayant quitté-e-s le secteur depuis la pandémie et des centaines de milliers de postes vacants qui ne peuvent être pourvus.
Rien qu’en France, 237 000 emplois dans le secteur de l’hôtellerie-restauration sont actuellement vacants, ce qui rend difficile la réouverture de nombreuses entreprises. Les pénuries de main-d’œuvre sont simplement la conséquence la plus évidente d’un secteur qui a besoin d’une réforme urgente. Les bas salaires et l’emploi précaire doivent être cédés au profit d’un modèle plus durable basé sur une négociation collective forte et loyale, un emploi stable, des salaires plus élevés, de meilleures conditions de travail, de l’identification et de la promotion des formations sur les qualifications de base (tous métiers confondus) permettant à n’importe quel profil de monter en qualifications à l’arrivée dans une entreprise, et des services de qualité. C’est la seule manière de faire face aux pénuries de main-d’œuvre et de créer des parcours professionnels attractifs. Un manque d’attractivité qui se justifie par les spécificités du secteur caractérisé par des horaires atypiques, des coupures, une pénibilité non reconnue, des règles managériales venant des employeurs souvent excessivement difficiles, et une application dérogatoire massive des dispositions légales entrainant une forte flexibilité.
EFFAT, ainsi que les autres Fédérations syndicales européennes représentant les travailleuses/eurs du tourisme, ETF et UNI Europa, ont contribué à la cocréation du ‘Tourism Transition Pathway’ (TTP), qui stipule clairement :
« L’un des principaux défis pour la reprise et la résilience de l’écosystème touristique est le manque de main-d’œuvre. En raison des fermetures et des opportunités de travail réduites, de nombreux travailleurs des services d’hébergement, de restauration et de boissons et des agences de voyages ont été transférés vers d’autres secteurs. Le secteur de l’hôtellerie en particulier manque de travailleurs qualifiés. Développer des parcours professionnels attractifs avec des emplois stables et de qualité, et garantir des salaires équitables et de bonnes conditions de travail par la négociation collective, seront essentiels pour attirer et retenir une main-d’œuvre qualifiée afin de relancer le secteur avec une nouvelle vision durable. »
Le secteur de l’hôtellerie-restauration est essentiel pour l’Europe tant d’un point de vue économique que social. Il a une grande capacité à contribuer à la croissance économique et à créer des emplois. Sa relance doit être considérée comme une priorité stratégique de l’UE ainsi que des gouvernements nationaux. Dans le même temps, l’urgence dans le secteur est loin d’être terminée. Nous ne sommes pas encore sortis de la pandémie qu’une guerre brutale a été déclenchée aux frontières de l’Union européenne. L’impact sur le secteur sera majeur. Par conséquent, il est de la plus haute importance que les gouvernements nationaux prolongent leur soutien au secteur, notamment par le biais des dispositifs de maintien de l’emploi et de soutien des salaires, afin de sauver les emplois.
EFFAT et ses organisations membres françaises, les fédérations syndicales du secteur HRCT, sont convaincus que, pour parvenir à la reprise du secteur du tourisme et renforcer sa résilience face aux crises futures, il est de la plus haute importance de donner la priorité aux travailleuses/eurs et aux emplois de qualité avec des salaires plus élevés, d’améliorer les conditions de travail, de permettre aux travailleuses/eurs d’avoir un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privé, de faciliter l’accès à la formation professionnelle, de favoriser l’égalité des sexes, de garantir que le secteur de l’hôtellerie-restauration soit un lieu de travail sûr, avec des lieux de travail exempts de harcèlement sexuel et de violence, de cautionner des meilleures conditions et protections pour les travailleuses/eurs saisonnières/niers, en leur mettant en place, par exemple, un fonds social européen, d’assurer des transitions numériques et vertes équitables, de promouvoir la labellisation sociale des entreprises de l’hôtellerie-restauration, et de donner aux travailleuses/eurs leur mot à dire dans tout cela, par le biais de la négociation collective et de l’information, la consultation et la participation des travailleuses/eurs.
Nous espérons vivement que vous partagerez nos points de vue et que vous aborderez ces questions lors de la Conférence ministérielle informelle des Ministres chargés du Tourisme le 17 mars 2022 à Dijon, et que vous continuerez à les poursuivre dans le processus vers un Agenda européen du tourisme 2030/2050, qui embrassera, espérons-le, une demande claire de faire du tourisme une compétence partagée de l’UE, comme l’a également demandé le Parlement européen.
Dans le même ordre d’idées, nous appelons également la Présidence française de l’UE à soutenir pleinement les revendications et les attentes des syndicats tout au long du processus législatif des principales propositions législatives de l’UE pertinentes pour le secteur de l’hôtellerie-restauration, telles que celles sur les salaires minimaux adéquats, les conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme, l’égalité des rémunérations entre femmes et hommes, et le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité.
De plus, nous faisons appel à votre engagement pour garantir que le prochain règlement Européen sur la location de logements de courte durée garantira une concurrence loyale et un jeu équitable envers les autres fournisseurs d’hébergement.”