L’article que vous êtes en train de lire a été écrit par Clarisse Josselin et est tiré de la revue « L’inFO militante », le bimensuel de la confédération Générale du Travail Force Ouvrière.
Sabine Pruvost, 57 ans, est déléguée centrale FO chez Lidl et adjointe manager d’un magasin à Laval, en Mayenne. Très active dans l’intersyndicale qui a appelé à une grève historique début février, elle est sur le pont pour défendre les conditions de travail et la rémunération des salariés.
Ça demande un peu d’organisation, mais on y arrive toujours
, lance en riant Sabine Pruvost après être parvenue à dégager un créneau pour une interview dans son emploi du temps millimétré. Le rendez-vous se fera devant le siège de Lidl, en région parisienne, en amont d’une conférence de presse organisée par l’intersyndicale pour alerter sur la dégradation des conditions de travail dans l’entreprise.
La militante est entrée chez Lidl comme caissière en 1994 à Laval, en Mayenne. Elle avait 26 ans et un BEP commerce en poche. L’enseigne, récemment implantée en France, faisait alors du hard-discount. La salariée devient cheffe-caissière, puis adjointe-manager. On en bavait, mais on était jeunes. La polyvalence de nos métiers, c’est aussi ce qui les rend attractifs, le temps passe plus vite. Et dans les petits magasins, l’équipe est très soudée
, poursuit-elle.
Elle qui n’aime pas l’injustice ni les petits chefs qui jouent les coqs
décide de se syndiquer en 2002. J’ai choisi FO par rapport à ce que je lisais dans les tracts, j’aimais la qualité de l’information, la défense des salariés, et il y avait toujours des petits dessins rigolos
, explique Sabine, dont le beau-père était aussi adhérent FO.
Elle s’imagine alors juste prendre une carte syndicale. Mais deux jours après son adhésion, elle est contactée par le délégué central qui lui propose de se présenter aux élections prévues six mois plus tard. Il n’avait plus personne dans ma région et il cherchait du monde à mettre sur les listes. Nous nous sommes rencontrés et je me suis lancée
, explique la militante.
D’abord élue DP suppléante, elle devient titulaire et siège dans différentes instances. Déléguée centrale depuis 2020, elle est désormais détachée à temps plein mais elle continue d’aller sur le terrain. J’ai besoin de savoir quelles sont les problématiques, je dois maîtriser ce que je défends en réunion
, ajoute la militante au franc-parler.
Grève massive
Et sur le terrain, la colère gronde. Les salariés se sont massivement mis en grève à l’appel d’une intersyndicale le 7 février dernier. Ils sont au bout du rouleau. On n’avait jamais vu autant de monde mobilisé dans autant de magasins
, souligne Sabine. Ils dénoncent la dégradation des conditions de travail, des hausses de salaire insuffisantes, la fixation d’objectifs de performance inatteignables et la volonté de la direction d’ouvrir tous les magasins le dimanche matin dès juin 2025.
Concernant les salaires, les NAO 2025 se sont achevées le 5 février sur une augmentation générale de 1,2 %, soit un peu en dessous du niveau de l’inflation. S’y ajoute une prime de 180 euros brut qui ne sera versée qu’aux salariés ayant au moins quatre ans d’ancienneté, soit moins de la moitié des effectifs.
Il y a une intensification de la charge de travail, c’est très compliqué depuis deux ans et on nous dit qu’on va devoir faire des concessions, en baver un an de plus et travailler le dimanche
, dénonce Sabine.
FO, dans le cadre de l’intersyndicale, vient de demander la tenue d’un CSE extraordinaire pour lancer une expertise économique. La direction nous dit que l’entreprise va mal, qu’il n’y a plus d’argent, c’est ce qu’on va vérifier
, poursuit la militante. En fonction de l’avancée des négociations qui se poursuivent avec la direction, un nouvel appel à la grève pourrait être lancé prochainement.
Les semaines qui viennent seront encore chargées pour la mère de famille de quatre enfants, toujours enjouée mais qui sait aussi poser ses limites.
Le syndicalisme, c’est du lundi au dimanche. Mais le dimanche, je mets mon téléphone en silencieux
, ajoute-t-elle.
© Photo F. BLANC