Les mesures d’accompagnement du PSE avancées par la Direction de Knorr (groupe Unilever) à la suite de l’annonce de la fermeture du site de Duppigheim sont très loins des attentes des salariés et des moyens du groupe Unilever ainsi que du niveau des autres PSE qui ont eu lieu dans le groupe par le passé.
Le 15 juin, les salariés sont appelés à la grève par l’intersyndicale tract 15 juin intersyndicale Knorr
Le 14 juin, Laurence, une salariée de l’usine, a lu avec émotion la lettre suivante à la Direction :
“Je me présente, vous qui ne me connaissez que très peu.
Laurence, je travaille au filmage à D2.
J’ai demandé cette intervention pour que je puisse à mon tour, m’exprimez devant vous.
Que vous preniez conscience des deux mondes qui nous séparent… Le vôtre… Le mien.
Je vous ai écouté tout ce temps… à votre tour d’être à mon écoute.
À nos Dirigeants d’Unilever,
A notre Direction,
À la suite de votre courrier et vos différentes explications.
Depuis votre annonce, je tenais à vous remercier. Je comprends mieux.
Vous vous êtes impliqués avec force pour sauver notre usine depuis plusieurs années. Je ne savais pas…
Moi, qui ai cru que vous la laissiez mourir à petit feu… Quelle sotte j’ai été !
Quel dommage aussi, que vous ne m’ayez pas donné l’occasion de vous voir à l’œuvre dans cette lutte.
Cette lutte qui aurait dû être la mienne aussi, cela m’aurait évité cette rage à votre égard.
Ce soi-disant combat que vous meniez, vous étiez bien discrets, je ne l’ai pas remarqué sur le terrain !
Le seul combat que je vous ai vu mener…
C’est un combat contre moi et mon trop grand coût !
Je coûtais toujours et encore trop cher malgré mes efforts !
Même en pressant comme un citron, je n’aurais pas pu être assez compétitive.
Moi, volontaire et travailleuse que je suis… à trimer, la fermer et m’exécuter.
Essayer de comprendre et de sauver quelque chose, sans maitriser quoi que ce soit.
Je sors de là, épuisée moralement et physiquement.
Malmenées à mon insu depuis plus de deux longues années !
Pourtant, j’ai alerté, j’ai voulu comprendre ce qui m’arrivait, communiquer, mais personne n’a voulu m’aider.
Je suis réellement désolée d’avoir douté de vous et de vos bonnes intentions à mon égard.
Moi… qui me méfiais de vous.
Même avec vos grands sourires, vous ne me rassuriez plus…
Moi… encore une fois ancrée dans mon ressenti.
Pensant que vous nous faisiez souffrir volontairement, pour nous essouffler, nous faire lâcher prise avant la fin. Avec l’espoir, le grand espoir de me tromper.
Mais quelle image j’ai eu de vous ?
Suis-je parano ?
Folle ?
Moi ! Simple d’esprit, je n’ai pas vu tout ce que vous faisiez pour nous !
N’y avait-il pas d’autres solutions pour la pérennité de notre site que de vouloir me sacrifier ? Nous sacrifier ?
N’aurions-nous pas pu…
Nous battre ensemble pour une fois ? Anticiper, innover, réinventer ensemble ?
Ou tout simplement, travailler ensemble ?
J’aurais pu vous dire que face aux pays de l’Est, c’était une cause perdue d’avance.
J’aurais pu vous dire aussi, que dans ces conditions, je ne pourrais jamais être à la hauteur de vos exigences et de votre grande soif de rendement.
Peut-être qu’encore une fois, nous nous sommes loupes sur ce coup-là…
Un malentendu… comme souvent il y en a eu ces dernières années…
Allez… Je veux bien croire en votre bonne foi.
Encore cette absence de communication qui depuis toujours manque et nuit si cruellement à Knorr, à Unilever…
Dommage, nous aurions pu faire de grandes et belles choses, si pour une fois, nous avions communiqué, travaillé ensemble avec respect et bien sûr. Avec une forte volonté de votre part pour maintenir notre usine ouverte et maintenir nos emplois.
Nous aurions au moins pu essayer, vu l’enjeu !
Notre site a un potentiel énorme.
Les femmes et les hommes qui y travaillent ont un savoir-faire.
Knorr est une belle usine. Et c’était aussi mon usine !
Quel gâchis pour nous tous !
Quelle énergie dépensée pour quel résultat ? … Pour ce résultat. Zéro !!!
En tout cas, j’espère que vous n’y avez pas laissé trop de plumes…
Moi, ça va… je suis bientôt sans emploi maintenant… sans avenir serein pour l’instant.
Et si vous avez encore un minimum de considération pour moi.
Je vous demande de me traiter, de nous traiter dignement, comme des personnes et non comme des “choses”.
Ma vie, nos vies à tous, celles de nos familles sont en péril de par votre décision si radicale et incompréhensible pour moi.
Que ce plan soit digne d’un groupe comme Unilever !
Je ne demande pas une aumône, non ! Mais un plan qui me permettra, qui nous permettra de nous relever tous.
J’ai été fière d’avoir été embauchée en 1999, d’avoir pu travailler pour Knorr pendant plus de 22 ans.
Et c’est avec le cœur lourd et empli de tristesse que je vais devoir bientôt quitter mon entreprise et tout ce qui s’y rattache.
J’espère, je vous demande de me licencier, de nous licencier, avec respect, en reconnaissant notre mérite et notre implication à vos côtés depuis toutes ces nombreuses années.
Je tenais à remercier mes collègues, qui me soutiennent spontanément dans ma démarche, qui se reconnaissent aussi un peu à travers elle…”
Laurence.