Lors de ces derniers mois, le groupe a connu plusieurs soubresauts, mais pour comprendre la situation aujourd’hui, il est bon de remonter le cours de l’histoire.
Chute des prix et réorganisations
Quand l’Union Européenne a programmé la suppression des quotas sucre à l’horizon octobre 2017, Tereos a réagi en augmentant sa production de betteraves de 20% pour combler la perte de prix attendu par un effet de volume notamment en direction du marché mondial via sa toute nouvelle plate-forme logistique installée à Escaudœuvres.
Cette stratégie menée également par les autres grands acteurs européens, cumulée à une production mondiale excédentaire a eu pour conséquence une chute des prix du sucre bien plus importante que prévue mais aussi une plus grande volatilité des cours.
Ces dernières années, nombre de réorganisations se sont succédé que ce soit dans les centres de réception, dans les services betteraviers, au sein des services commerciaux et puis en dernier lieu le regroupement des Services Centraux (500 salariés) à Moussy le Vieux et au Centre de Service Business à Lille donnant lieu à un PSE d’ampleur.
Pendant cette période, nous avons connu aussi un plan d’économie avec Cap Excellence et aujourd’hui un plan de performance (accompagné par le cabinet Mackinsey et son fumeux questionnaire du mois de juin) avec « Ambition 2022 » et des gains attendus de 200 millions d’euros (dont 60 pour TSF). Au travers « d’Ambition 2022 », des ingénieurs de l’amélioration continue ont été mis en place sur tous les sites dans quel but ? Si à terme ce sont des suppressions de postes qui sont visées, ce sera sans nous !
La maintenance n’est pas en reste avec le plan Move qui n’est pas sans nous laisser perplexe.
L’avenir de nos usines nous inquiète également, que ce soit en termes d’investissement, de transmission du savoir qui se perd au fil des départs en retraite ou encore de la formation au poste de travail insuffisante.
Un conflit avec les coopérateurs
Comme si cela ne suffisait pas, Tereos a connu l’été dernier un nouveau feuilleton avec la contestation du mode de gouvernance, de la stratégie de diversification et le niveau de la dette (2 milliards d’euros) du groupe par des coopérateurs « frondeurs ». S’en est suivi un grand déballage par presse interposée en passant par des démissions et injonctions au tribunal. Finalement, Tereos a été condamné en décembre dernier à réintégrer les 3 coopérateurs exclus en août dernier !
Les « frondeurs » affirment avoir recueilli à la suite d’une pétition, les 2500 signatures leur permettant de demander la tenue d’une nouvelle Assemblée Générale et une nouvelle élection du Conseil de Surveillance.
Concernant cette pétition, il y a un nouveau rebondissement puisque Tereos ne l’ayant pas reconnue, les frondeurs contre-attaquent une nouvelle fois par le biais des tribunaux.
Enfin, point d’orgue de l’histoire, l’intervention du sénateur Pierre Louaut en séance sur le dysfonctionnement de certains grands groupes coopératifs et de leur mode de gouvernance, où le groupe Tereos est clairement dans le collimateur…
Nous nous garderons bien de nous immiscer dans ces luttes de pouvoir désormais affichées au grand jour, mais à la lecture des résultats du 1er semestre du groupe (- 89 millions €), il nous semble que la stratégie de diversification a joué un rôle d’amortisseur et évité au groupe de plus grosses pertes en période de bas de cycle.
FO s’inquiète pour les emplois
Quelle qu’en soit l’issue, la fracture affichée au grand jour laissera des traces et, à l’heure où Tereos étudie la possibilité d’ouvrir le capital à des investisseurs extérieurs, cette crise est mal venue et nous interpelle, car garant des intérêts des salariés de TSF nous sommes inquiets et cela à plusieurs titres :
Tout d’abord lors du comité Européen de décembre (et dans la presse), Alexis Duval nous a confié qu’une nouvelle restructuration dans le monde sucrier européen était inévitable car il n’y avait plus la place pour les pays les moins compétitifs…
Mais les pays visés (Espagne, Italie…) ne l’entendent pas forcément de cette oreille et se retournent vers l’Allemagne et la France qui produisent le double de leur consommation de sucre !
FO s’inquiète aussi pour deux usines de Tereos (Escaudœuvres et Lillers) et plus particulièrement leurs chaudières charbon dont le droit d’exploitation arrive bientôt à terme et sont dans le collimateur. Les autorités (voir article de la Voix du Nord) agitent la menace de fermetures temporaires si Tereos ne se plie pas rapidement aux exigences environnementales.
Et que penser de l’annonce du groupe allemand Sudzucker (propriétaire du groupe Saint Louis Sucre) sur l’adaptation de son outil de production qui pourrait se traduire par la fermeture de plusieurs sucreries en Europe dont probablement une en France !
Tereos sortira-t-il par le haut de sa crise interne ? Tereos traversera-t-il sans encombre les turbulences de notre secteur économique ?
Nous le souhaitons vivement car il y va des intérêts et de la pérennité des emplois des salariés de TSF mais, à ce jour, nous n’avons aucune certitude.
Dominique Ibatici, Délégué syndical central FO Tereos
Photo Stéphane Mortagne – VDNPQR