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Durée du travail : regards croisés entre la France et l’Europe

La durée du travail en France est souvent comparée à celle de ses voisins européens, alimentant de nombreux débats, notamment dans le cas du débat autour de la suppression des jours fériés. Pourtant, ces écarts s’expliquent par des spécificités nationales et ne traduisent pas forcément un retard français.

Au-delà du nombre de jours travaillés, il faut regarder la durée du travail. « En Europe du Nord, il n’y a bien souvent plus personne dans les bureaux à 17 heures, ce qui n’est pas du tout le cas en France, notamment pour les cadres au forfait-jour », relève Isabelle Mercier. De fait, si avec 35 heures, la durée hebdomadaire légale du travail en France est la plus faible d’Europe (contre 48 heures, par exemple, aux Pays-Bas et en Allemagne), la durée effective de travail est plus élevée : 35,8 heures en moyenne, contre 33,9 heures en Allemagne et 32,1 heures aux Pays-Bas.

La différence s’explique notamment par les spécificités des marchés du travail de chaque pays avec, par exemple, un temps partiel largement plus développé et mieux réparti entre hommes et femmes en Europe du Nord. Ainsi, les Français à temps plein travaillent légèrement moins (38,3 heures) que leurs homologues allemands (38,8 heures). Mais, au final, les Français en emploi passent 1 494 heures au travail sur une année, soit 154 heures de plus que les Allemands, 58 heures de plus que les Suédois et 44 heures de plus que les Néerlandais.

Au-delà des congés et des jours fériés, la différence se joue aussi sur l’absentéisme. Même si, depuis le Covid, les arrêts maladie ont fortement augmenté en France, l’absentéisme y demeure plus faible (10,3 jours d’arrêt dans le privé, 12 jours dans la fonction publique) qu’aux Pays-Bas (15 jours) ou en Allemagne (24,9 jours) où le système d’indemnisation est particulièrement généreux.

Un indicateur inquiète particulièrement le patronat : le taux d’emploi. Avec 68,4 % des 15-64 ans en emploi, la France est en queue du peloton européen, très loin derrière les Pays-Bas (82,4 %) ou l’Allemagne (77,2 %). « Avec le taux d’emploi des Pays-Bas, nos recettes publiques seraient supérieures d’au moins 140 milliards par an », ne cesse de répéter l’économiste Gilbert Cette, président du Conseil d’orientation des retraites et proche d’Emmanuel Macron.

En cause, notamment, le chômage, mais aussi une entrée tardive des jeunes sur le marché du travail et une sortie précoce des seniors, du fait d’entreprises qui rechignent à conserver leurs seniors jusqu’à un âge de la retraite pourtant plus bas qu’ailleurs en Europe. Conséquence de cet écrêtement aux deux extrémités de la vie active, les Français ne passent que 37,2 ans de leur vie au travail. Un chiffre, certes dans l’exacte moyenne de l’Union européenne, mais loin derrière les Pays-Bas (43,8 ans) ou l’Allemagne (40 ans).

L’emploi des jeunes est encore trop faible (35,2 %, contre 50,8 % en Allemagne et 76,5 % aux Pays-Bas). « En France, nous avons un problème d’insertion des jeunes dans le monde du travail », reconnaît Pierre-André de Chalendar, constatant la forte proportion de jeunes « ni au travail ni en emploi » (NEET) en France (12,5 % en France, contre 11 % en moyenne en Europe), mais aussi le retard persistant de la France en matière d’apprentissage.

« Malgré une forte amélioration ces dernières années, nous avons un problème entre les formations souhaitées par les jeunes et les métiers dont nous avons besoin dans les entreprises », développe-t-il, donnant l’exemple de l’industrie, qui continue à avoir du mal à attirer. « Il y a, notamment, un travail à faire pour rapprocher les lycées professionnels de l’alternance », plaide-t-il.

Thierry Boukarabila

Sources : INSEE, La Croix et Ouest-France