La situation est bien sûr très tendue, notamment en Ile-de-France où le secteur souffre de l’absence de clientèle étrangère. Et puis il y a le comportement des grands groupes. Par exemple, Accor, qui bénéficie de 477 millions de prêts garantis par l’Etat et d’une prise en charge par l’Etat de 60% de sa masse salariale via l’activité partielle de longue durée (APLD), veut quand même supprimer 800 emplois. Nous avons obtenu qu’ils renoncent à un PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) avec des départs contraints pour négocier un plan de départs volontaires, ce que nous avons commencé. Ils en ont les moyens. Chez Pizza Pino, une entreprise de restauration qui a fermé son établissement des Champs Elysées, nous avons pu négocier une enveloppe de 3,5 millions d’euros pour 96 départs, afin que cela se fasse dans la dignité. Cela étant, dans la branche, il nous faut maintenant un nouvel accord d’activité partielle de longue durée (APLD) car le précédent, que nous avons dénoncé avec la CGT, était inacceptable.
Nous avons repris les négociations le 10 mai, et les TPE (très petites entreprises) du secteur ont besoin d’un tel accord qui simplifierait la mise en oeuvre de l’allocation partielle de longue durée. Nous disons donc aux représentants patronaux : ne cherchez pas à limiter le périmètre d’application de l’APLD dans vos entreprises pour choisir là où vous pourrez continuer à licencier, jouez le jeu de l’APLD ! Nous voulons un dispositif couvrant tous les salariés, c’est quand même d’argent public qu’il s’agit ! Nous ne sommes pas non plus aveugles sur les réalités économiques : énumérons dans l’accord des motifs qui pourraient permettre à l’entreprise certaines ruptures s’il en va de sa survie économique.
Les protocoles, c’est très bien, mais au bout de deux à trois verres, les distances vont être oubliées, de même que le port du masque. Nous demandons au gouvernement de faciliter la vaccination des salariés qui travaillent dans le secteur. Là où il y a des CSE, il y aura des consultations en vue de la reprise mais ailleurs, nous souhaitons que soit dispensée aux salariés, notamment dans les TPE, une formation rappelant les gestes barrières (fréquence de lavage des mains, utilisation des bons produits pour la vaisselle, etc.) car cela fait plusieurs mois que le travail a cessé.
La reprise est incertaine. S’y ajoute la baisse progressive des aides aux entreprises, puisque le taux de l’allocation d’activité partielle va rejoindre progressivement le taux de droit commun en septembre, avec un reste à charge bien plus élevé pour les employeurs : les entreprises pourront-elles suivre ? On peut craindre qu’elles n’adaptent leurs effectifs.
Il y a d’énormes restructurations. Sodexho a annoncé plus de 2 000 suppressions d’emplois et Compass 1 800 (lire notre article du 8 février 2021). Nous poussons pour que les entreprises acceptent de travailler pour repositionner les salariés sur d’autres filières, comme la restauration scolaire, ou le médico-social, mais une fois la cible définie, encore faut-il trouver des candidats parmi les salariés qui acceptent de partir et d’aller vers ces emplois. Chez Compass, c’est ce que nous tentons de faire via des ruptures conventionnelles collectives.
Dire que le secteur HCR recherche 100 000 personnes parce que les salariés auraient démissionné, cela me paraît très exagéré ! Je n’y crois pas, ils mettent ce chiffre sur la table pour réclamer de nouvelles aides auprès des pouvoirs publics. D’ailleurs, même hors crise sanitaire, nous avons droit à ce discours sur les emplois non pourvus avant chaque saison touristique ! S’il y a un problème d’attractivité réel dans notre branche, il est dû aux conditions d’emploi et aux salaires : les salariés travaillent le week-end sans majoration, ils travaillent de nuit. Mais avec la crise sanitaire, nombreux sont ceux qui ont retrouvé leurs enfants, et ils ne vont plus forcément tout accepter. La branche doit réfléchir à une forme de refondation sociale, sur les conditions de travail et les salaires, pour conserver ces compétences, alors que se profilent les Jeux olympiques de 2024. Le turn over dans le secteur, avec des gens à reformer, ça coûte au final plus cher qu’une revalorisation des heures supplémentaires !
Bernard Domergue