Le dernier groupe de travail relatif à la négociation sur l’encadrement entre les organisations syndicales de salariés et le MEDEF s’est réuni le 26 juin au siège de l’UNEDIC.
FO, représentée par FO-Cadres a participé à l’ensemble des groupes de travail. Elle a pu ainsi exposer ses réflexions, ses analyses et ses revendications. Cette journée du 26 fait suite aux deux autres réunions en configuration « groupes de travail » qui se sont déroulées dans le prolongement des négociations en plénière.
I – Retour sur la séance du 26 juin
FO a une fois de plus développer ses propositions pour une modernisation de l’ANI sur l’encadrement de 1983. La négociation interprofessionnelle est une opportunité pour restaurer le rôle et la place des cadres dans l’entreprise et répondre aux préoccupations des cadres.
FO a rappelé l’importance du niveau interprofessionnel comme niveau de négociation. Sans porter préjudice aux négociations dans les branches professionnelles, la négociation interprofessionnelle doit conduire à construire les conditions d’une définition interprofessionnelle autour de catégories objectives et répondre au besoin d’un cadre collectif plus protecteur pour les cadres.
FO a critiqué la lenteur coupable avec laquelle le MEDEF avance sur ce dossier. Elle a déploré son refus à ce jour d’aboutir à un projet d’ANI. FO n’entend pas abandonner les discussions. Elle a souhaité que la négociation prévue ce 2 juillet ne soit pas une réunion « couperet » ; sur la base des échanges réalisés jusque-là, FO a demandé que le MEDEF prenne ses responsabilités.
FO n’a pas souhaité fermer toutes possibilités d’obtenir une issue favorable pour la défense des intérêts des cadres. Elle a été la seule organisation à rappeler son exigence pour un ANI. Le MEDEF a précisé qu’à ce jour – et pour le 2 juillet – ne pas avoir de mandat pour poursuivre sur ce point. Les autres organisations syndicales ont également souhaité prendre appui sur le bilan des discussions et des groupes de travail et refuser de faire de la séance du 2 juillet une séance « couperet » sans issue.
La séance de négociation prévue le 2 juillet a donc été reportée avec l’accord de l’ensemble des organisations syndicales de salariés au 20 septembre 2019.
Vous trouverez enfin ci-dessous la synthèse des travaux et des discussions qui ont eu lieu lors des séances de négociations et au cours des groupes de travail. Une synthèse des groupes de travail assuré par le MEDEF devrait logiquement parvenir aux organisations syndicales.
II – Rappel des discussions et enjeux sur la négociation encadrement.
FO a rappelé que la négociation en cours doit comporter 3 étapes :
- L’étape de la définition de la figure du cadre autour de critères objectifs
- L’étape d’un rappel des droits directs associés au statut
- L’étape des dispositifs contractuels pour une reconnaissance de l’engagement professionnel des cadres
1- La définition autour de critères objectifs
Pour FO une identification des caractéristiques récurrentes identifiées par les conventions collectives, la jurisprudence et les pratiques d’entreprises laisse transparaitre un faisceau d’indices qui constituent les fondations du statut actualisé. Selon FO six critères répartis en 2 blocs peuvent servir de base à une définition interprofessionnelle des cadres
Les critères de base
- Le niveau de qualification
Il est acquis soit par une formation initiale validée par un diplôme ( LMD ) , soit par la validation des acquis de l’expérience professionnelle - Le niveau des responsabilités
Ces dernières sont appréciées par la capacité à prendre des décisions, des initiatives ou assumer la représentation d’une délégation des pouvoirs de l’employeur.
- L’autonomie
Elle s’exerce en matière de moyens, de temps de travail, de l’exécution de la mission confiée.
Critères complémentaires
Afin d’étoffer ou de suppléer aux conditions conventionnelles de définition des cadres, la logique d’un faisceau de critères caractérisant les cadres doit permettre de retenir :
- Le niveau hiérarchique
- Le niveau d’expertise
- L’exigence de compétences clés ( le management ou la gestion de projet à titre d’exemple )
2 – Les droits directs associés au statut
FO entend réaffirmer au niveau interprofessionnel
- Le bénéfice d’un contrat de prévoyance obligatoire à la charge de l’employeur tel qu’issu de l’accord du 14 mars 1947 du régime des retraites complémentaires.
Sur ce point FO a rappelé que l’accord de 1947 repris dans l’ANI du 17 novembre 2017 sur la prévoyance est d’ordre impératif et non supplétif comme le laisse entendre le MEDEF (une analyse juridique sur ce point vous sera adressée très prochainement)
- Le maintien de l’accès aux services de l’Apec : FO exige un droit d’information pour tous les cadres concernant leurs droits liés à l’APEC. Ce « droit d’information » à l’image de celui sur les retraites doit pouvoir être porté à la connaissance de chaque cadre, dans chaque entreprise (information obligatoire par tous les services RH des entreprises, à l’occasion de l’embauche, courrier national dont la périodicité reste à définir, tous les 5 ans, les 3 ans…).
- FO a souhaité également que les moyens humains et financiers soient octroyés à l’Apec pour assurer le bon fonctionnement de la commission paritaire ( ex Agirc ) assurant l’accès des cadres aux dispositifs de la prévoyances et des services de l’Apec en cas de litige tels que prévus dans l’accord de 2017.
FO a rappelé son engagement historique pour la sauvegarde de l’APEC – ANI de 2011 et rédaction du mandat de service public – et son engagement quotidien pour le maintien de son mode de gouvernance et de son financement au service des cadres et des entreprises ne du secteur privé.
3 – Les dispositifs conventionnels pour une reconnaissance de l’engagement professionnel des cadres
Afin de participer à une meilleure protection de l’engagement professionnel des cadres FO propose :
- la mise en place d’une protection juridique pour les cadres engageant leur responsabilité civile et pénale dans leurs fonctions professionnelles
Pour FO, il est nécessaire de renforcer la protection des cadres quant à l’engagement de leur responsabilité civile et pénale. En effet, le statut de cadre ne doit pas induire une prise de risque inconsidérée pour le salarié en matière de responsabilité pénale. FO propose que les cadres dont les fonctions engagent leur responsabilité professionnelle pénale bénéficient d’une prise protection juridique adaptée (prise en charge des éventuels frais juridiques, conseils, défense.)
FO recommande par ailleurs la tenue d’un registre de délégation pour formaliser ces délégations dans le temps afin d’en clarifier l’amplitude et le contenu. La délégation de pouvoirs doit s’accompagner d’une transparence dans les modalités de sa mise en œuvre.
- la mise en œuvre d’un droit d’alerte au profit des cadres
La réflexion sur un système propre aux cadres, en raison de leur place stratégique au sein des organisations et des problématiques nouvelles qui se posent en entreprise. L’objectif poursuivi par cette protection est de permettre à un cadre responsable de se prémunir contre un changement de contrôle non souhaité de l’entreprise susceptible de rendre difficile l’exercice de ses attributions ou affectant notablement son activité, voire même heurtant la direction stratégique ou éthique de l’entreprise. Ce droit de retrait ou « clause de conscience » doit s’accompagner du maintien des droits et des indemnités auxquels peut prétendre le cadre.
Dans le prolongement des questions dites « éthiques », FO a rappelé que la promotion de l’éthique ne doit pas s’accompagner d’une remise en cause des droits effectifs existants ou à construire. L’éthique au travail ne doit pas être « le cache misère » pour parer le détricotage les droits des salariés.
Pour autant FO a rappelé que le contrôle et l’exigence productive promus dans l’entreprise ne peuvent plus faire l’impasse sur l’exigence des cadres à plus de transparence dans ces dispositifs d’évaluation et leur impact sur les conditions de travail.
FO exige que les dispositifs d’évaluation soient encadrés et que la transparence de leurs modalités de fonctionnement soient portés à la connaissance des salariés. Dès lors que les dispositifs sont de nature à porter atteinte à l’intégrité de la personne, à sa vie privée, il doit être permis à chaque salarié de refuser de s’y soumettre.
- Les enjeux managériaux
FO a revendiqué la nécessité de consolider les compétences managériales tout au long du parcours professionnel. Elle défend que tous les cadres puissent entretenir et développer les compétences managériales. Sur ce point l’entretien annuel de formation des managers doit déboucher sur des actions concrètes.
Pour les cadres, le poste de manager est devenu trop complexe, trop exigeant, avec de fortes responsabilités sur le plan humain et au niveau des régulations sociales pour lesquelles ils ne se sentent pas préparés ou suffisamment formés. Face à ce constat, l’importance d’une formation au management est indispensable. Pour FO, le management n’est pas qu’une simple responsabilité, c’est une compétence à part entière. Aussi la formation professionnelle dans ce domaine est un enjeu prioritaire pour progresser.
Une attention particulière doit être apportée aux primo-encadrants qu’il convient de reconnaitre et de valoriser. FO souhaite qu’une formation systématique des « primo-encadrants » soit rendu obligatoire.
FO a proposé que soit mis en place de dispositifs de certification professionnelle adaptés pour valoriser et reconnaitre cette compétence en entreprise. Il est nécessaire de promouvoir sérieusement des dispositifs du type VAE ou Cléa dans le domaine du management. Cela doit permettre de définir un « socle commun » des qualifications et des compétences clés au mangement.
FO a également proposé que soit discuter de la reconnaissance des compétences nécessaires en mode projet. Par ailleurs les filières « expert » et « manager » tendent à se développer l’une et l’autre parallèlement sans offrir de possibilité de passage de l’une à l’autre par la reconnaissance des qualifications et des compétences acquises. Afin de favoriser les carrières professionnelles des cadres, il est nécessaire d’établir des passerelles entre ces deux profils.
FO a également proposé un suivi de carrière complété d’un index des inégalités spécifiques pour les cadres. Cette démarche devra s’appuyer sur un bilan confié à l’Apec sur la base des données liées aux index sur les inégalités H/F. FO a également proposé que les recrutements sur des postes de cadres s’appuient sur un sourcing et des « shortlists » paritaires H/F.
- Autres enjeux socio-économiques
FO a rappelé la nécessité de mettre fin aux dérives dans la mise en œuvre des forfaits-jours. Elle rappelle que l’encadrement de ce mode d’organisation du travail ne doit pas méconnaitre le droit au repos. Le cas échant le décompte du temps de travail doit être envisagé pour limiter les dérives d’intensification horaire. Il s’agit également de limiter l’accès du dispositif de forfait-jours aux seuls cadres bénéficiant d’une réelle autonomie dans la gestion de leur temps de travail et dans l’exercice de leur activité professionnelle. FO a rappelé la nécessité de limiter le plafond des jours dans maxi l’année à 217 jours.
FO a rappelé son engagement historique dans la mise en place du télétravail. Elle juge nécessaire de réactualiser l’ANI sur le télétravail de 2005. Elle souhaite rendre effectif également la mise en œuvre du droit à la déconnexion.
FO a également défendu la nécessité de sécuriser le parcours professionnel notamment en fin des carrières pour les cadres séniors dont seulement 5% des offres d’emploi leurs sont aujourd’hui consacrés ( Apec ). FO souhaite que l’on étudie le retour d’un dispositif de type ARPE pour accompagner le recrutement des plus jeunes diplômés.
FO a enfin rappelé son attachement à ouvrir une discussion sur la garantie d’un salaire minimum pour les cadres. En dépit de leur investissement professionnel, du nombre d’heures effectuées, de leur prise de responsabilité au quotidien, de nombreux cadres demeurent dans la fourchette basse des rémunérations. En 2017 la dispersion des salaires des cadres est telle que 80% des salaires varient entre 34 et 85 K euros annuels (source Apec). On estime que 33% des cadres perçoivent une rémunération en dessous du plafond de la sécurité sociale. Cette garantie d’un salaire minimum notamment pour les cadres débutants doit permettre à ce que les jeunes diplômés ne puissent percevoir une rémunération inférieure à 36 000 euros bruts annuel dès leur première embauche.
La prochaine séance de négociation aura lieu le 20 septembre. D’ici là nous continuerons à vous tenir informer de l’évolution des discussions et des actions qui seront engagées sur ce sujet.
Amitiés syndicalistes,
Eric PERES
Secrétaire général